La petite Chinoise


Ne fais point de bruit le jardin endormi je dors longtemps les yeux fermés depuis des nuitées je me réveille quelque chose ne passe pas le film est coincé dans le magnéto qu’as-tu fait tu as appuyé sur la marche arrière recule encore tu as vu la petite fille dans le caniveau ils la laissent là comme un détritus c’est beau la mort seule avec l’eau sale des gens qui passent tu m’as réveillée j’étais bien dans le jardin il fait toujours nuit et toi tu sors de mes rêves pour affronter la réalité ses couleurs sont brutes tu me déranges tout le temps avec tes cauchemars pourquoi me bouscules-tu je voulais planter un arbre dans mon jardin et il n’y a toujours pas de fleurs mon jardin est nu mais bizarrement pas aussi nu aussi vierge que la petite fille dans le caniveau les bras étendus face au ciel arrête d’empoisonner la terre de mes rêves avec tes films qui m’arrachent les tripes tu passes ton temps à me mettre la tête sous l’eau et je ne vois plus que le reflet du visage de la petite fille qui me sourit mon Dieu je ne savais pas que la mort avait un sourire je suis perdue je revois encore ce visage blanc transfiguré par le sourire et moi je me sens noire l’obscurité m’envahit j’ai perdu le chemin qui mène à mon jardin rêvé mon jardin sans arbre sans fleur alors que je passais mes nuits à le semer mais qu’ai-je fait pour le rendre aussi vierge malgré tout mes nuits sont plus belles que tes jours toi tu passes tes jours à me montrer la réalité qui fait des trous de bombes dans mon jardin si paisible des trous des tranchées « s’il te plaît enterre-moi » il y a encore des trous des corps avec des yeux retournés vers l’arrière tout blancs toujours vers l’arrière pour mieux sentir l’autre monde pour mieux partir pour mieux jouir de la mort et tout oublier et oublier tout quitter et quitter « s’il te plaît déterre-moi » j’étouffe encore repasser le film l’enterrer le déterrer revenir en arrière revoir les yeux retournés révulsés tout blancs tout est blanc à n’en plus finir je tombe je ne vais pas bien la mort est blanche je tombe encore je remonte très vite et je vomis blanc je vomis sur la petite fille je lui lave son visage je te salue Marie je vomis encore j’ai la bouche toute gonflée je te bénis je te prie je te prends à bras le corps tu es toujours belle je t’ai lavée tu es lavée je te prends contre moi ne pas revenir en arrière avancer quelque part avec ton sourire tu me donneras des fleurs des arbres retrouver mon jardin mais plus comme avant un autre jardin plus fort plus vrai plus coloré c'est la vie la réalité la vie la réalité

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